mardi 4 octobre 2011

Le dernier secrétaire ou l'éternelle histoire du cave qui se rebiffe !

Renaud Dély, journaliste et essayiste, co-auteur de l'ouvrage à paraître "Tous les coups sont permis" (Calmann-Lévy), de passage dans les studios de la radio parisienne Europe 1, le dimanche 2 octobre 2011. L'intervieweur Dominique Souchiez lit un extrait du bouquin, une déclaration de François Hollande à propos d'un de ses "amis politiques" : "Cette fois, il ne pourra plus faire de politique (...) ; il est cuit !"

La déclaration visait, selon Dély, Dominique Strauss-Kahn et elle date de septembre 2000, alors que Strauss-Kahn était empêtré dans une affaire de cassette (Méry). Dély explique l'exultation de Hollande par le fait que dès 2000, il se projetait dans une future campagne présidentielle et se réjouissait alors de l'élimination d'un dangereux concurrent.

Autant dire que cette confidence de Dély m'a presque incité à modifier mon titre : "Le cave se rebiffe" ayant pu être remplacé par "Le cave se rebiffait déjà !"

Entre nous, ce comportement vindicatif de Hollande est-il surprenant ?


Ils le détestent et il le leur rend bien. Quand François Hollande parle à la tribune, Laurent Fabius reste les bras croisés. Ostensiblement. Quand elle aperçoit son prédécesseur à la télévision, Martine Aubry crache du feu. Pour elle, les leaders socialistes sont soit "des cons", soit "des lâches" et Hollande, à ce titre, a bien mérité d'être autrefois leur chef.

Au PS, comme ailleurs, on ne se fait pas de cadeaux. Sauf que ces haines-là ont ceci d'important qu'elles structurent le débat des primaires. Bien malin qui pourrait pointer les divergences autres que marginales entre les principales personnalités du parti. Dans le "tout sauf Hollande" qui fait florès à Solférino, il y a une part d'irrationnel qui laisse pantois. (...)

Pour Ségolène Royal, on comprend. Pas besoin de faire un dessin. Pour Laurent Fabius, on devine. Il fut un temps - c'était au lendemain du 21 avril 2002 - où les deux hommes signèrent un armistice. A l'époque, cela avait mis Martine Aubry en fureur - vieille tradition familiale - tant elle jugeait imbuvable et droitier l'ancien Premier ministre de François Mitterrand.

Mais l'armistice fut de courte durée. Et la guerre reprit de plus belle. En 2004, Hollande a lancé, sur le Traité constitutionnel européen, un référendum interne que Fabius voulait à tout prix éviter. D'où une sortie de route qui a brisé net ses espoirs élyséens.

Hollande s'est ensuite vanté d'avoir roulé dans la farine "ce cher Laurent". Ce sont là de petites blagues que le seigneur de Haute-Normandie pardonne difficilement. 

Reste le cas Aubry. Tout le monde au PS connaît par coeur les motifs récents de son inimitié avec le député de Corrèze. Elle dit qu'il n'a rien foutu lorsqu'il était premier secrétaire et qu'il lui a laissé une maison en loques. Il répond qu'elle était alors secrétaire nationale et qu'elle n'a guère brillé par son assiduité. La remise en marche du PS est, à ses yeux, une belle supercherie.

Elle lui reproche de ne pas lui avoir décroché une circonscription en béton à Lille en 2007. Il répond qu'elle en avait une qui était imperdable et qu'elle a pourtant laissé filer à droite. 

La suite est à l'avenant... Dans cette nouvelle guerre des roses, il faut remonter très loin pour trouver les racines du mal. C'était à l'époque où Jacques Delors, à Bruxelles, faisait figure de "candidat surnaturel" d'un PS devenu bigot. Ses partisans, à Paris, étaient alors regroupés dans un club nommé "Témoin".

Hollande en était le président et Aubry jugeait qu'il tirait trop la couverture à lui. A "Témoin", il y avait les amis de Martine qui n'aimaient pas François. Et réciproquement.

Martine disait de François qu'il était faux cul. François racontait que Martine était un vrai scorpion : "Vous dînez avec elle, c'est super sympa. Vous la croisez le lendemain, elle vous plante un couteau dans le dos. Sans explication." Tout cela n'est guère politique. C'est pourquoi ces haines sont aussi durables.

François Bazin
Article publié dans Le Nouvel Observateur du 27 mai 2011

Du coup, tout s'éclaire !

Le fait est que François Hollande a ceci de particulier que depuis la victoire de l'Union de la Gauche en 1981, il n'a eu droit à aucune fonction gouvernementale, pas même un sous-secrétariat d'Etat, contrairement à la plupart des ténors du parti, et contrairement à sa propre compagne de longue date : Ségolène Royal.

Faut-il y voir les éléments d'un double ressort psychologique : à savoir la morgue voire la condescendance émanant des cadhors du parti, les Fabius, Jospin, Strauss-Kahn, d'une part, et les ressentiments de l'autre, de la part de quelqu'un qui s'est toujours senti snobé par ses camarades de parti.

On comprend parfaitement, dans ces conditions, que d'humiliations refoulées en humiliations gobées, Hollande ait fourbi un plan qui se voulait machiavélique : en finir avec l'étiquette de "cave".

Et voilà qu'en 2000, Strauss-Kahn se trouve pris dans un embrouillamini judiciaire. C'est la fameuse affaire de la cassette grâce à laquelle on allait tout savoir, et qui a fait dire à Hollande que "l'autre était cuit" !

Du coup, l'affaire Banon devient vraiment passionnante, si l'on se remémore les déclarations du "premier secrétaire d'alors". Parce qu'on imagine aisément qu'il ait eu le même réflexe qu'à propos de l'affaire de la cassette Méry, dont il faut rappeler qu'elle a valu à Strauss-Kahn de quitter (provisoirement) ses fonctions de ministre de l'Economie et  des finances.

Réfléchissons une seconde : si comme l'affirme Dély et son co-auteur, Hollande s'est écrié "Yes!" en apprenant que Strauss-Kahn était emberlificoté dans une procédure judiciaire, comment ne se serait-il pas de nouveau écrié "Yes!" en apprenant l'histoire de la tentative de viol de la bouche même de Tristane Banon ?

Etrange tout de même que Renaud Dély n'ait pas jugé utile de creuser cette question. Une question d'une exceptionnelle gravité !

En effet, est-ce parce qu'il comptait se constituer un petit stock de boules puantes, à balancer sous le nez de ses futurs concurrents, lors d'une éventuelle candidature à la présidentielle, que François Hollande s'est comporté comme il l'a fait devant Tristane Banon et sa mère ?

Est-ce parce que, cette fois, il pensait tenir une arme fatale contre Strauss-Kahn que, contrairement à son empressement faceà Georges Frêche, Hollande n'éprouvera jamais le besoin de convoquer la Commission des conflits, à propos d'une affaire qui aurait pu valoir à Strauss-Kahn une comparution devant une cour d'assises ?

Memento :


"Moi je ne conseille, ni ne déconseille à personne de porter plainte quand il se passe un évenement de nature de violence personnelle. Donc si j'ai pu être là au courant d'un incident, je n'ai jamais formulé quoi que ce soit, un conseil ou une interdiction."

"Ce n'est pas au premier sécrétaire de l'époque de savoir ce qu'il y a lieu de faire lorsqu'il se passe un incident supposé ou réel."

"Je n'en sais rien, et ce que j'ai dit, et ce que je continuerai de dire : quand il y a une affaire personnelle, c'est devant les tribunaux que ca se passe et nulle part ailleurs."


"Huit ans après, une plainte est déposée par rapport à un incident supposé dont moi je n'ai pas connaissance dans le détail. (...) Sa mère, Anne Mansouret, avait évoqué un incident qui se serait passé, je n'en savais pas plus."


"Je tiens à dire que je n'ai jamais eu une plainte qui aurait été déposée auprès de moi. Pourquoi auprès de moi ? Comme premier secrétaire ? C'est pas le lieu auprès duquel on dépose plainte quand il se passe un incident", a-t-il ajouté.


"Moi je n'ai eu qu'une seule attitude par rapport à cet incident supposé : [dire que] s'il doit y avoir un dépôt de plainte, il doit se faire immédiatement", a-t-il poursuivi.


"Je veux absolument mettre un terme à toutes ces polémiques, rumeurs ou colportages", a-t-il ajouté, estimant que "cela commence à être absolument détestable".


Le moins qu'on puisse dire est que François Hollande aura le plus grand mal à affirmer qu'en découvrant l'affaire Tristane Banon - Strauss-Kahn en 2003, il ne s'est pas intimement réjoui de la nouvelle tuile survenue dans le parcours d'un de ses ennemis intimes, ce qui expliquerait LARGEMENT l'embrouillamini dans lequel il s'est enfermé tout seul, à en juger par le louvoiement de ses déclarations sur la question !


Et comme pour corroborer nos soupçons, ne voilà-t-il pas que François Hollande déclare, sur un ton tout à fait mystérieux :

Vous avez compris ?

Vous avez compris !

S'asseoir, avec calcul et cynisme, sur la souffrance d'une jeune fille, dans le seul but de promouvoir sa petite carrière personnelle, et en se moquant royalement de l'intérêt du parti...

Dès lors qu'il connaissait parfaitement un des talons d'Achille de Strauss-Kahn, Hollande savait qu'il n'avait qu'à s'armer de patience, jusqu'à ce que la bonne occase se présente. Et elle n'allait pas tarder à se présenter !

Question : si, en 2003, Strauss-Kahn avait été convoqué devant la Commission des Conflits du Parti socialiste, pour l'entendre sur l'affaire Banon, y aurait-il eu une affaire du Sofitel de New-York ou simplement une affaire avec une employée du FMI ?

Strauss-Kahn est de toute évidence un pauvre type, mais François Hollande en est un autre ! En d'autres termes, si Strauss-Kahn est un maniaque qui dégaine sa quéquette plus vite que son ombre, un sérieux rappel à l'ordre, intervenu dès 2003, l'aurait mis dans l'obligation, soit de se faire soigner, soit de quitter le parti, lequel se serait évité la triste pantalonnade de l'affaire du Sofitel de New York.

En tout cas, il va falloir qu'il se dépêche pour démentir les propos que Dély and Co lui prêtent ("cette fois, il est cuit !") sur Strauss-Kahn en marge de l'affaire Méry, parce que cette déclaration éclaire d'un jour nouveau l'affaire Tristane Banon.


Autrement dit, par son comportement retors et calculateur fondé sur une profonde animosité contre Dominique Strauss-Kahn, François Hollande porte une lourde responsabilité dans les multiples dérives dans lesquelles l'ex-patron du FMI s'est trouvé impliqué, dérives dont il espérait secrètement la survenue, privilégiant ses petits plans de carrière personnels à l'intérêt de son parti !

Quant au Parti socialiste, il va lui falloir décider rapidement si un sujet obtus, calculateur, retors et particulièrement fourbe, ayant délibérément engrangé des informations sensibles sur Dominique Strauss-Kahn, tout en les gardant sous le coude, dans le but manifeste de s'en servir sous la forme de boules puantes destinées à torpiller les velléités présidentielles de ce dernier, si ce sujet obtus et calculateur, ayant occupé le fauteuil de Premier secrétaire du parti durant une décennie peut, déontologiquement parlant, représenter le Parti socialiste dans le cadre d'une élection présidentielle !


Nous allons voir à quel niveau le Parti socialiste - à qui un lien vers ce blog a été transmis en temps et en heure - place le curseur


P.S. Mais comme je ne suis pas complètement idiot, je comprends bien qu'après l'affaire du Sofitel newyorkais, les orphelins de l'ex-chef du FMI ont dû aller chercher fortune ailleurs ; vous savez ?, larbin un jour, larbin toujours ! Donc voilà nos strauss-kahniens se répandant dans la nature à la recherche de quelqu'un à soutenir, pour l'essentiel, choisir entre Aubry et Hollande.

Et l'on comprend, dès lors, que François Hollande ait dû louvoyer misérablement sur l'air de "il ne m'appartient pas de conseiller ni de déconseiller...". Mettez-vous à sa place : que risquent de croire les strauss-kahniens en apprenant, par exemple, que leur nouveau champion ourdissait de sombres projets contre leur ex-chef adoré ?

Et sur ces entrefaites, arrive le bouquin évoqué plus haut : "Tous les coups sont permis".

Question : comment va réagir Strauss-Kahn en découvrant les déclarations le concernant, tenues par François Hollande, sur l'air de "cette fois, il est cuit !" ? Et, par voie de conséquence, comment vont réagir les strauss-kahniens ayant récemment rallié François Hollande - notamment l'impayable Pierre Moscovici - en découvrant la personnalité calculatrice, vindicative et fourbe de leur nouveau champion ?

C'était notre rubrique : "cocu un jour, cocu toujours !"